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Vehicle to home : c'est le moment !

January 26, 2023

La conjoncture énergétique que traverse la France en laisse entrevoir le risque de délestage cet hiver car le système de production d’énergie ne sera plus en mesure de répondre à la demande en cas de pics de consommation.

Ces délestages vont se caractériser par des coupures de courant de deux heures maximum et seront annoncées à l’avance. Par ailleurs, « si elles doivent être déclenchées, les coupures d’électricité ont lieu pendant les périodes de pics de consommation, c’est-à-dire le matin entre 8 heures et 13 heures et le soir entre 18 heures et 20 heures. Le délestage n’est pas permis le week-end, que très rarement le soir après 20 heures et jamais la nuit, sauf dans une situation exceptionnelle » selon le gouvernement.

Potentialités du V2H (Vehicle to Home) ou V2B (Vehicle to Building)

Il y a en 2022 en France, environs 500 000 véhicules électriques. La plupart des véhicules du marché depuis 2020 ont au moins une capacité de 50kWh (ZOE, E208, Tesla 3…). Or, les véhicules parcourent statistiquement en moyenne 34 km par jour. En faisant l’hypothèse conservatrice, que ces véhicules disposent d’une réserve d’autonomie de 100 km, avec une consommation moyenne de 25kWh/100 km (la plupart des véhicules sont annoncés entre 12kWh et 17kWh/100 km !), il reste potentiellement une énergie de 25 kWh mobilisable. Si cette énergie est réinjectée en 2 heures (durée de coupure de délestage), la puissance moyenne délivrée est donc sous cette hypothèse est de 11.8 kW, ceci en tenant compte du rendement de l’onduleur. Si on se place au niveau d’un foyer français, les abonnements sont compris entre 6 et 12 kVA, ce qui signifie qu’une voiture électrique peut alimenter un foyer lors d’une coupure de délestage d’une durée de 2 heures. Il aura fallu, bien sûr, au préalable que le véhicule soit chargé au maximum à ce moment. Le délestage étant prévu à l’avance et n’intervenant pas la nuit, ce scénario d’usage est tout à fait crédible. Les plus grosses batteries actuelles contiennent plus de 110 kWh, soit 85 kWh mobilisables, ce qui permet d’alimenter un logement de 9 kW (puissance maximum de la plupart des logements) à pleine puissance pendant 9 heures ! On ne parle plus dans ce cas d’assurer l’éclairage et le fonctionnement du téléviseur, mais d’un usage énergétique total du logement, chauffage compris.Si on se place maintenant au niveau d’un bâtiment tertiaire, la fourchette de consommation annuelle par salarié varie de 300 à 800 kWh/an (selon l’Ademe), soit au plus 450 Wh / heure.salarié,soit moins de 900 Wh/ heure.salarié. En reprenant les hypothèses précédentes, cela signifie qu’une voiture électrique injectant ses 25 kWh d’énergie au bâtiment permettrait donc à 26 salariés de pouvoir travailler pendant les deux heures de coupure. Il faudra, bien sûr, dans ce cas que l’entreprise ait un moyen de dédommager les salariés ayant chargé leur véhicule la nuit à leur domicile.

Faisabilité technique

Pour que le V2home puisse fonctionner, il faudra déconnecter l’installation à alimenter, du réseau électrique (le « risque » est d’alimenter les voisins : c’est charitable, mais pas le but recherché en l’espèce).

Il faut également que soit envisagée l’une des solutions suivantes :

- Soit le véhicule doit pouvoir réutiliser son onduleur (ou un chargeur bidirectionnel -qui serait donc aussi un onduleur) pour créer une tension alternative à injecter sur le réseau à partir de sa batterie. La borne doit dans ce cas juste être capable de communiquer mais n’intègre pas d’onduleur.

- Soit la borne doit intégrer un onduleur relié directement à la batterie du véhicule par les ports de charge rapide DC, pour la transformer en tension alternative. C’est cette dernière solution qui est privilégiée dans les solutions proposées. Cette technologie a été éprouvée en premier lieu, au Japon avec les Nissan Leaf (suite à l’accident de Fukushima, et plus généralement en prévision de catastrophes naturelles). Les premières Nissan Leaf n’ayant que 24 puis 30 kWh, l’intérêt reste relativement limité.

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Pour ce mode de fonctionnement, la borne sera en mode « tension constante » (230V), avec une puissance qui variera de 0 à la puissance maximum autorisée par la borne et la batterie.

Variantes : V2L : Vehicule to Load

C’est une variante très simplifiée qui consiste à équiper des véhicules de prises de courant allant jusqu’à 10A (2200 W) : MG Marvel R, Kia EV6, Hyunday IONIQ 5… Ces systèmes sont déjà répandus chez les utilitaires.

Variantes : V2G : Vehicule to Grid

L’objectif est dans ce cas de « soulager le réseau » en réinjectant de l’énergie (ou en l’autoconsommant) lors des pics. Au niveau de l’utilisateur, l’intérêt est exclusivement financier, à savoir revendre (ou autoconsommer) l’énergie quand elle coûte cher, en l’ayant stocker au préalable quand elle était meilleur marché. La gamme ID de Volkswagen est équipée de la technologie V2Grid, ainsi que la gamme E-tron d’Audi.

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Pour ce mode de fonctionnement où la borne est reliée au réseau, la borne sera en mode « puissance constante » a priori, pilotée par le fournisseur d’énergie, dans le respect de la puissance autorisée batterie (fonction de son état de charge et de sa capacité).

Conclusion

Le V2H, V2B, V2G… regroupées parfois dans le V2X démontrent qu’un Véhicule Electrique, n’est pas un moyen de déplacement comme les autres : une utilisation intelligente permet un usage diversifié de sa batterie, pour dans un premier temps, « passer en douceur » les délestages annoncés en 2023. A plus long terme, la mutualisation des batteries, et de leur capacité de stockage qui va aller croissante (là où la distance parcourue des usagers ne variera pas) va permettre d’intégrer plus facilement les énergies renouvelables dont la part va croitre significativement.

Article rédigé par Jean-Charles PAPAZIAN, Docteur-Ingénieur INPG et professeur agrégé de Génie Électrique CK Consultant